Des fleurs en papier : La plage de Knokke en pleine floraison

Chaque été, Knokke refleurit littéralement : des fleurs en papier de toutes les formes, tailles et couleurs s’y exposent un peu partout sur la plage. Typiquement de chez nous, ce phénomène est si particulier qu’il a même été reconnu patrimoine flamand. Mais d’où vient cette tradition ?

Dans les quelques heures qui ont suivi le décès de Leopold Lippens début 2021, l’allée menant à sa maison avait été ornée d'une haie de fleurs de plage en papier, déposées par les habitants de Knokke en hommage à leur ancien bourgmestre. Dans les jours suivants, les fleurs n’ont cessé de se multiplier. Cet impressionnant tableau haut en couleur portait une symbolique toute particulière : tout comme Leopold Lippens a été un symbole de Knokke durant des décennies, il en va de même pour les fleurs en papier crépon, qui apparaissent chaque année dans de nombreux petits magasins un peu partout sur nos plages. Parents et grands-parents les fabriquent pour leurs enfants et petits-enfants, qui les vendent ensuite en échange de coquillages. C'est une véritable affaire de famille, puisque tout le monde y participe selon ses points forts et ses centres d’intérêt. La singularité ? Ce spectacle floral ne peut être admiré sur aucune autre plage de nos pays voisins. Il s’agit d’un phénomène typiquement belge.

papier crépon

De l’élite au grand public

Début 2021, les fleurs de plage réalisées en papier crépon ont été officiellement reconnues patrimoine immatériel de Flandre. Bien que cette tradition soit souvent liée à Knokke, les fleurs sont présentes sur tout le littoral. Une question subsiste toutefois : d’où provient au juste cette tradition florale ultrapopulaire ? Les fleurs ont beau être bien établies, il est difficile d’en retracer l’origine exacte, car il existe peu de documentation à ce sujet. L’histoire repose en grande partie sur des souvenirs, des récits et des photos. L’on considère généralement que cette tradition est née entre les deux guerres, voire peut-être même avant. À la Belle Époque déjà, vers la fin du XIXe siècle, les fleurs en papier crépon servaient de décoration lors des fêtes religieuses ou tout simplement pour embellir les intérieurs. À la même période sont également apparus dans nos contrées les premiers corsos fleuris, ces défilés de chars décorés de fleurs naturelles, mais aussi de fleurs en papier crépon. Les magasins de fleurs de plage nous viennent peut-être en partie de ces cortèges. On ne peut cependant pas exclure que ce jeu soit tout simplement le fruit de l’imagination d’enfants rêvant de gérer un commerce comme leurs parents.

Mais quelles qu’en soient les origines, une chose est certaine : l’essor du tourisme à la côte a largement boosté la vente des fleurs de plage. La seconde moitié du XIXe siècle a été marquée par l’arrivée massive de grands noms belges et étrangers sur notre littoral. Jusqu’aux années trente, seule l’élite était en mesure de profiter de ce type de séjour. Toutefois, l’introduction officielle des congés payés en 1936 a changé le cours des choses. Le tourisme de masse s’est alors progressivement installé, entraînant une profusion des fleurs de plage. On se préoccupait de plus en plus de trouver des moyens de divertir les touristes et les enfants, comme par le biais de jeux de plage, qui étaient en réalité déjà organisés depuis le début de la Belle Époque, suivant la tradition anglo-saxonne. Des comités de touristes éminents et des entreprises telles que Le Soir, Chocolat Jacques et The Daily Mail ont ainsi lancé des tournois de plage, bien souvent à des fins publicitaires. La question se pose de savoir si, en plus des compétitions de sauts dans le sable, de courses en sac et de châteaux de sable, il existait aussi des concours de fleurs de plage.

Le jeu des générations

Bien qu’elle ait donc près d’un siècle au compteur, cette tradition repose toujours sur le même principe : fabriquer des fleurs en papier, creuser un trou dans le sable pour s’y asseoir et rehausser le devant en un comptoir. Ensuite, il s’agit d’attirer le client et de lui faire payer ses achats en coquillages. La technique de fabrication des fleurs est elle aussi transmise de génération en génération. Les matériaux utilisés aujourd’hui sont en grande partie restés ceux des débuts, même si l’on constate de petites différences d’une ville ou d'une famille à l’autre. Les premiers exemplaires étaient réalisés en papier de soie, en papier d’argent ou en papier crépon. Aujourd’hui, on utilise toujours du papier d’argent, et surtout du papier crépon. La seule différence majeure ? Les fabricants de fleurs d’aujourd’hui préfèrent de plus en plus le ruban adhésif au fil traditionnel.

 

Een handje, comme on dit à la côte

Pour acheter des fleurs de plage, il ne faut pas sortir son portefeuille, mais bien se munir de coquillages. Sur ce plan, pratiquement chaque station balnéaire a ses propres règles. Les habitudes profondément ancrées varient d’une ville à l’autre et évoluent au fil du temps.

Le plus souvent, les fleurs sont vendues contre une poignée de coquillages ou en échange d'un nombre précis de coquillages d’un certain type. La seule monnaie acceptée à Knokke sont les couteaux ou les olives de mer. Et bien sûr, une station balnéaire mondaine ne peut se contenter que de coquillages en parfait état. Les enfants d'Ostende ou de Wenduine sont tout aussi stricts. Impossible, par exemple, d’y acquérir des fleurs avec comme moyen de paiement des moules, des huîtres ou des solens. Dans d’autres villes comme Blankenberge, on est moins regardants et tous les coquillages sont acceptés depuis l’entre-deux-guerres.

Zoute Beach Flower Festival

Un tout nouvel événement montre bien l’amour que porte Knokke à ses fleurs en papier : le Zoute Beach Flower Festival, un concours de fleurs de plage organisé par la Compagnie Het Zoute avec le soutien de la commune et en collaboration avec e.a. AVA, Delen Private Bank, Zoute People, Ofyr, Daniel Ost.

Le samedi 19 août, la plage à hauteur de la place Albert ou, si vous préférez la 'place m’as-tu vu', se transformera ainsi en un gigantesque marché de fleurs en papier. Ce sera l'occasion pour bon nombre d'enfants d'entrer en lice pour présenter le plus beau magasin de fleurs en papier et la plus belle fleur de l’année.

Toute une série d’activités seront également prévues sur la plage en marge du concours. Véritable événement familial, le Zoute Beach Flower Festival ne manquera pas de replonger Knokke dans la tradition typique des fleurs de plage en papier le temps d’une journée.
Knokke